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Acteurs de l'énergie

Accord Etat/EDF sur l’énergie nucléaire : les dessous du nouveau cadre de régulation

Après des mois de négociations serrées, l’État et EDF ont trouvé mardi 14 novembre 2023, un accord sur les prix de l’électricité nucléaire historique.

L’état fixe un prix cible de vente de l’électricité d’EDF à 70 €/MWh

La cible de prix de l’électricité nucléaire a ainsi été fixée à 70 € le mégawattheure (MWh) pour 15 années, sur la période de 2026 à 2040. Un compromis trouvé entre les souhaits initiaux d’EDF (70-75 €/MWh) et le calcul de la Commission de Régulation de l’Energie, qui estimait de son côté les coûts de production à 59,03 €/MWh sur la même période, hors besoin de financement du nouveau nucléaire.

L’objectif d’un prix d’équilibre cible à 70 € le MWh sur toute la production vise ainsi à :

  • Couvrir les coûts liés à la prolongation du parc nucléaire actuel ;
  • Préserver les capacités d’investissement d’EDF, en générant un cash-flow suffisant pour permettre également le financement de nouveaux réacteurs ;
  • Préserver la compétitivité de l’industrie française, en évitant les envolés de prix de l’électricité tels que subis en 2022.

Pour s’assurer du maintien d’un prix cible autour 70 €/MWh, l’État instaurera plusieurs paliers de redistribution aux consommateurs, à travers un système de taxation d’EDF :

  • Si le prix de vente de l’électricité dépasse les 78-80 €/MWh : 50 % des revenus générés au-delà par EDF seront taxés ;
  • Si le prix de vente de l’électricité dépasse les 110 €/MWh : 90 % des revenus générés au-delà par EDF seront taxés.

Les prix de vente sur le marché et le prix cible ne dépendent pas des quantités produites. Le nouvel accord pourrait inciter EDF à maximiser la production d’électricité lorsque le prix de vente se trouve au-dessus du premier seuil de taxation, ce qui engendrera une baisse mécanique des prix de vente. En jouant sur la production, l’énergéticien français pourrait ainsi être tenté de maintenir des prix au plus proche du premier niveau de taxation, tout en cherchant à l’éviter.

En cas de taxation, la redistribution aux consommateurs se ferait de façon directe (et non par l’intermédiaire des fournisseurs alternatifs).

Pour garantir ses investissements et réduire la volatilité de ses revenus potentiels, EDF envisage de nouer des contrats de long terme avec les industriels énergivores ainsi que la vente en avance d’électricité sur les marchés de gros à ses concurrents fournisseurs (voir l’expérimentation en cours sur des contrats à plus long terme que les horizons classiquement cotés sur les marchés).

Au-delà de cette annonce, de nombreuses questions restent encore en suspens :

  • Comment sera formé le prix de vente de l’électricité par EDF, comparé ensuite aux 70 € / MWh cible ?
  • Comment les consommateurs pourront-ils aligner leurs achats d’énergie avec la vente de l’électricité par EDF afin de réduire la volatilité des budgets ?
  • Quelle sera la formule de redistribution proposée aux consommateurs ? (quel calcul du droit, prix de redistribution, en amont ou ex post ?).
  • Comment les fournisseurs alternatifs pourront répliquer ce nouveau mécanisme ?
  • Que se passera-t-il si le prix baisse durablement en dessous de 70 €/MWh ? Passera-t-on de facto à un Contrat For Difference (CFD) pour ne pas “tuer” EDF ?
  • Comment EDF sera incité à produire en quantité et au bon moment ?

Comparaison du nouveau prix cible français avec le marché à terme Allemand

Le prix moyen des allemands de l’électricité est de 89 €/MWh sur les 10 prochaines années. En appliquant le nouveau mécanisme de prix EDF sur chaque année individuellement, la France se retrouverait avec un prix moyen d’environ 83 €/MWh, lui offrant ainsi un très léger avantage compétitif par rapport à l’Allemagne. Ce défaut d’avantage compétitif clair met également en risque la transition énergétique : la même industrie qui choisirait de s’implanter en Allemagne émettra beaucoup plus de CO2 que si elle décidait de s’implanter en France. 

Pour les consommateurs français, le nouveau tarif présente un impact positif limité. Mais en termes de compétitivité européenne, ces nouvelles règles suffiront-elles à rendre la France plus attractive pour attirer de nouvelles industries sur son territoire ?

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